Crispin Kashale après la condamnation de Charles Onana : « La France veut cacher la vérité à travers ce procès »

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Crispin Kashale, acteur sociopolitique vivant à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo, n’est pas découragé par le verdict du procès contre le journaliste franco-camerounais et chercheur, Charles Onana. Ce dernier a été reconnu coupable de « complicité de contestation publique de l’existence d’un crime contre l’humanité », lundi 9 décembre 2024, par la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, en France.

Crispin Kashale, qui milite pour l’instauration d’une justice transitionnelle en RDC, dénonce le fait pour la France de vouloir cacher la vérité à travers ce procès de Charles Onana. « Entant que Congolais, c’est un travail de perte de mémoire. Parce que c’est quelqu’un qui a fait un travail de recherche, qui a écrit et qui a voulu chercher la vérité. Mais lorsqu’on veut fouiller et qu’on est buté à cette théorie de négationnisme, pour nous, cela devient dangereux. », a-t-il déclaré dans une interview.

Cet acteur socio-politique pense que cette condamnation risque d’entamer la morale des autres chercheurs pour ne pas découvrir des vérités contraires à ce que Kigali a établi comme vérité officielle et immuable sur le crime de génocide des tutsis au Rwanda. « Ça va couper l’élan de beaucoup de nos chercheurs, de beaucoup de personnes qui veulent initier un travail de mémoire dans la région des Grands lacs. Je pense que c’est une mauvaise action que la France est en train de démontrer vis-à-vis de la population congolaise », a-t-il ajouté.

Pour lui, il n’est pas question de nier le génocide rwandais mais plutôt de connaitre la vérité sur ce drame du 20ème siècle. Une tragédie qui continue de produire ses conséquences jusqu’à ce jour dans l’Est de la RDC. « Ce qui se cache est connu de tous. C’est effacer l’histoire. Or, l’histoire on ne la cache pas. Cela va rebondir. Cela ne veut pas dire qu’on refuse le génocide. Mais, il faut qu’il y ait la vérité. », insiste Crispin Kashale.   

Ce dernier dénonce également l’attitude de la France vis-à-vis du Rwanda. « La France a pris l’ancienne ministre des Affaires étrangères rwandaise [Louise Mushikiwabo] pour chapeauter l’Organisation internationale de la Francophonie [OIF], sans que dans son pays on parle français. Donc, la langue française a été remise dans le tiroir. », a-t-il souligné. Crispin Kashale voit aussi d’un mauvais œil le pardon de la France au Rwanda pour son attitude pendant le génocide de 1994. « On se demande : la France est venue demander pardon au Rwanda pour l’opération Turquoise. Pourtant, cette opération a été, par contre, la plus déplorable en RDC en termes de conséquences », a-t-il indiqué.

Pour juguler les conséquences de cet épisode de l’histoire tragique de la région des Grands lacs, Crispin Kashale recommande aux autorités congolaises d’accorder une importance au processus de justice transitionnelle tant demandée par le prix Nobel de la paix, le docteur Denis Mukwege.  

Charles Onana, la cible de Kigali ?

Auteur franco-camerounais, Charles Onana a été condamné en première instance dans ce procès. Lui et son éditeur ont interjeté appel. La justice française exige au chercheur de payer une amende de 8 400 euros. Son éditeur a écopé d’une amende de 5 000 euros. Le péché de Charles Onana, c’est aussi de s’être intéressé à l’implication du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame dans la commission du génocide.

L’essayiste qui s’est préoccupé du sort des victimes congolaises à la suite de ce génocide rwandais et du chaos sécuritaire que cela a engendré dans l’Est de la République Démocratique du Congo, serait ciblé par certains « proches » du régime de Kigali. « On me prête des intentions qui ne sont pas les miennes », avait déploré l’auteur du livre « Holocauste au Congo : l’omerta de la communauté internationale », en marge de l’ouverture de son procès.

Dans ses recherches, ce politologue s’est plutôt attardé sur le processus ayant conduit au génocide des Tutsi, remettant parfois en cause le récit unique des faits imposé par Kigali. Dans son livre incriminé paru en octobre 2019, Charles Onana remet en cause « la thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un génocide au Rwanda », accusant notamment la rébellion de Paul Kagame, le Front Patriotique Rwandais (FPR), qui menait des actions violentes, d’avoir une part de responsabilité dans ce crime contre l’humanité. Cette thèse sur l’implication de la rébellion de Paul Kagame dans ces massacres à caractère ethnique a également été soutenue par une enquête des médias canadiens.

Dans un documentaire intitulé « Rwanda, le mystère Corneille », M. Ruzimiza, un agent de renseignement du FPR, a livré un témoignage glaçant sur l’implication de Paul Kagame dans l’attentat de l’avion du président Juvénal Habyarimana. Cet agent reproche à l’actuel président rwandais d’avoir organisé l’attentat contre l’avion d’Habyarimana, tout en sachant que cela déclencherait le génocide contre les Tutsi. « Il était très conscient de ce qui allait se passer s’il provoquait un chaos. Moi et d’autres collègues pensions qu’il prendrait toutes les dispositions nécessaires pour protéger les Tutsi… Mais on se rend compte qu’il n’a rien fait », a déclaré Ruzimiza, chargé d’espionner notamment le site de Masaka, situé près de l’aéroport de Kigali, où les débris de l’avion de Juvénal Habyarimana avaient été retrouvés après l’attentat.

Dido Nsapu


(DNK/Yes)


10-Décembre-2024

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